Ainsi, le héro de la fusion défend coûte que coûte son bilan. Précisons que les problèmes managériaux évoqués dans l’article, invisible selon M Coléou, nous les avons pourtant vu… et la synchro avec sa prise de poste était même assez déconcertante, à moins que ce n’ait été qu’une coïncidence. Pour commenter les termes d’Hospimédia sur le sujet nous ne dirions donc pas le concernant qu’il a eu une « politique managériale un peu trop faible » mais qu’au contraire le groupe et l’ensemble de ses salariés aurait surement gagné à ce qu’elle soit moins agressive ou moins brutale.
Extraits de l’article Hospimedia d’Agathe Moretqui révient l’éviction surprise de Yann Coléou officialisé la semaine dernière par le conseil d’administration.
Hospimedia : Vous avez été poussé vers la sortie par le conseil d’administration, le 18 novembre dernier, vous a-t-on expliqué les motifs de cette décision soudaine ?
Yann Coléou : Cela a été ma dernière question. J’ai demandé pourquoi on en arrivait là et je n’ai eu aucune réponse. C’est le grand théâtre des avocats, ils ont essayé de picorer des éléments qu’ils ont intégrés dans un courrier pour pouvoir expliquer leur volonté de se séparer de leur dirigeant. Mais en tout cas, quand j’ai posé la question aux administrateurs, je n’ai eu aucune réponse. Tout le monde a piqué du nez dans son gobelet d’eau.
Hospimedia : Parce que, selon vous, cette décision n’est pas justifiée ?
Y. C. : Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le président [de Korian, Christian Chautard]. Lors de la conférence adressée aux investisseurs et analystes, il a dû y avoir une dizaine de questions sur la raison de mon départ. Les réponses, à chaque fois, n’étaient pas satisfaisantes. Dans cette conférence, il est dit que je suis un très bon manager, que j’ai fait du très bon travail, que j’ai eu des bons résultats et que cette décision traduit la volonté de tourner une page. Voilà ce qui est ressorti des propos du président. Je n’ai rien à me reprocher, les choses sont faites de manière totalement transparente. J’ai une indemnité de départ, il n’y a pas de faute — pour faire simple, je n’ai pas opéré de malversations — qui justifierait mon éviction du jour au lendemain. Mais c’est le lot de tous les dirigeants, nous sommes révocables, selon l’expression consacrée, ad nutum (de façon instantanée, sans justification ou préavis nécessaires, NDLR). Sauf que c’est bien de pouvoir expliquer. Et ce qui a été expliqué à la presse, aux analystes financiers et aux investisseurs a plutôt été mal perçu puisque le cours de la Bourse a chuté de 12% à l’annonce de mon départ. Ce sont 350 millions d’euros (M€) de valeurs qui se sont évaporées sur une décision de changement de dirigeant.
H. : Lors d’un échange avec Hospimedia, la direction a évoqué le besoin de faire évoluer le groupe vers une phase non plus de développement intensif mais vers une phase de structuration, notamment au regard du poids du parc allemand (lire ci-contre). Cela traduit-il, selon vous, un manque de confiance du conseil d’administration quant à vos capacités en la matière ?
Y. C. : C’est au président qu’il faudrait surtout le demander. Ce que je peux dire c’est que quand je suis arrivé chez Korian, l’entreprise faisait 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, aujourd’hui elle en fait 2,6. Avec l’acquisition que l’on a réalisée il y a deux semaines en Allemagne (le rachat de Casa Reha, NDLR), Korian devrait atteindre près de 3 milliards en 2016. Globalement, cela veut dire que l’on a un an d’avance sur notre plan de marche. Donc, en termes de développement en tant que tel, on peut dire que j’ai plutôt eu de bons résultats. En termes financiers, le résultat net a été multiplié en quatre ans par six ou sept, ce qui prouve globalement que j’ai un certain savoir-faire — mais c’est aussi le travail des équipes de Korian. L’entreprise a un savoir-faire dans sa capacité à intégrer. Curanum en Allemagne, Medica, en Belgique, en France et en Italie… tout cela s’est fait sans perdre de cadres dirigeants et sans perte d’efficacité puisque la profitabilité de l’entreprise s’est améliorée. Sur le taux d’occupation par exemple, nous avons, pendant ces phases d’intégration et de fusion, continué à améliorer ce taux. Sur le côté quantitatif, le bilan que je présente est donc un bilan positif. Sur l’aspect qualitatif, les enquêtes de satisfaction clients et salariés, que nous venons de mener ces dernières semaines auprès de 30 000 salariés et 30 000 résidents et familles de résidents, attestent également d’un bon bilan. Les résultats sont bons pour les salariés et très bons pour les résidents. Le conseil d’administration a pris cette décision en toute connaissance de cause…
H. : Pourriez-vous détailler ces « bons résultats » de l’enquête de satisfaction salariés ? La question ressources humaines a en effet été évoquée par la CGT , qui voit en votre éviction la conséquence d’une politique managériale un peu trop faible…
Y. C. : Je pense que s’il y avait eu des problèmes managériaux, nous n’aurions pas eu de bons taux de satisfaction de la part des salariés. Ces chiffres seront, je pense, rendus publics dans les semaines qui viennent puisque ceux-ci seront présentés au conseil d’administration de la semaine prochaine. Les problèmes managériaux dont fait état la CGT, seule la CGT les a vus.
« La veille de ma révocation, le cours de la Bourse était à son plus haut historique, à 36,93 €. »
H. : Comment analysez-vous les suites à donner au groupe ? Quels seront les éléments charnières à prendre en compte pour la nouvelle direction afin de poursuivre le travail que vous avez amorcé ?
Y. C. : Comme vous pouvez le comprendre, j’aurai du mal à me prononcer sur le développement futur du groupe. Ce que je sais c’est que Korian est une entreprise qui, quand je suis arrivée était en difficulté d’organisation, en difficulté de gestion. D’ailleurs, le cours de la Bourse en était révélateur puisqu’il était à 11,6 €. La veille de ma révocation, il était à son plus haut historique, à 36,93 €. C’est donc un des révélateurs de la santé retrouvée de Korian. Compte tenu du métier de Korian et du secteur d’activité dans lequel il exerce, il est évident que le développement est un sujet. Ce serait dommage de s’arrêter en si bon chemin.
H. : Quant à vos perspectives d’avenir… Pensez-vous vous maintenir sur le secteur des Ehpad ?
Y. C. : Je suis un homme du service. J’ai travaillé pendant vingt-quatre ans dans la restauration chez Sodexo, dans le secteur de la propreté pendant plus de trois ans chez ISS, dans la maintenance, et dans la santé et le médico-social. Voilà les cordes à mon arc. Aujourd’hui, il est trop tôt pour en parler, cela fait tout juste une semaine que le conseil d’administration a annoncé sa décision. Pour l’instant, je me repose, je me ressource et je me remets les idées en place de façon à bien rebondir. Je veux prendre mon temps pour faire les bons choix. »